samedi 20 octobre 2012

étape 56 : LE RETOUR

dimanche 17 juin 2012


  Après l'étincelante soirée d'hier, le réveil prend des allures de gueule de bois et le retour du temps maussade s'inscrit bien dans l'ambiance de cette journée, la première du retour. Il me reste toutefois à voir le phare situé à 4 km de Fisterra. Un ou deux pèlerins et de courageux sportifs matinaux faisant leur footing ont pris également la route.

  C'est étrange, juste avant d'arriver au phare, une borne jacquaire signale le kilomètre 0 du chemin que l'on peut voir comme origine de ce fabuleux chemin se ramifiant ensuite à travers l'Europe ou comme son aboutissement, comme le fait qu'il ne reste aucun kilomètre à parcourir. Sans compter que le même décompte s'opérait avant Santiago, le point 0 cette fois étant la cathédrale. Passant derrière le phare, j'aperçois une croix en pierre érigée sur un modeste socle. Des chaussures et des vêtements plus ou moins calcinés y sont déposés. Ainsi donc, c'est là que les pèlerins actuels perpétuent la tradition qui détruisait par le feu les vieilles nippes des pèlerins d'antan souvent infestées de vermine et puantes. En plus, beau symbole de purification.

  De retour sur le port, je prends un car qui doit me ramener à Santiago. Alors que nous quittons Fisterra sous une pluie fine qui se met à tomber pour ne plus nous quitter de la journée, nous croisons Jean-Claude qui arrive vaillamment, couvert de son poncho. Il n'aura pas ma chance pour la plage ce soir.

  Accueilli par une pluie battante à Compostelle, je profiterai des accalmies pour trouver un hôtel (pas facile par manque de signalétique visible) et pour retourner à la cathédrale. Et là, petit miracle, l'orgue joue, un son magnifique, ample, émouvant, l'adieu ou peut-être l'au-revoir au modeste pèlerin. Puis je flâne encore dans les vieilles rues désertées, faute à la pluie, et je finirai ma journée en demeurant longtemps sur la place, face à la cathédrale. Déjà la nostalgie me guette et le retour à la vie "normale"me fait signe.


  Le lendemain, départ du train pour Hendaye à 9 h. A bonne allure, les paysages sont avalés. Galice, Meseta, Pays basque, il ne faudra pas plus de 12 h à la machine pour parcourir ce que je fis en trois semaines. Mais aujourd'hui, en octobre, je n'ai plus aucun souvenir de mon voyage en train alors que pour le chemin...

  Hendaye, le soir, il pluviote. Je retrouve la langue française, les prix français, les petites combines françaises. Ça m’indiffère, mon esprit n'a pas voyagé à la vitesse du train.

                                               FIN DU RECIT

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vendredi 19 octobre 2012

étape 55 : VILASERIO - FISTERRA - 55 km

samedi 16 juin 2012


  Nous partons vers 7 h, Jean-Claude et moi, pour une longue marche qui devrait me conduire jusqu'à Fisterra. Toujours un peu de vent. Le ciel  nuageux  laisse filtrer une douce lumière qui met en beauté les champs, les bocages et les forêts de cette région d'élevage. Le chemin monte, descend, tourne mais se parcourt sans difficulté avec Jean-Claude qui se révèle beaucoup plus bavard que moi. C'est un bon compagnon de route  et je l'apprécie pour cette dernière étape.

  A 16 h 30, après avoir franchi la énième bosse de la journée, nous apercevons enfin le cap Finisterre. La ville de Cée se cache dans le premier repli montagneux devant nous ; ce sera le terminus de l'étape pour mon camarade. Dans l'après-midi, le ciel s'était dégagé et l'appel du large, de la plage et de la fin du voyage est trop fort pour moi. Il reste 18 km, je ne suis pas fatigué et je laisse Jean-Claude à regret pour continuer seul. Après un moment d'égarement, je quitte Cée par un long chemin assez raide, avec la petite ville de Fisterra comme objectif. Je me sens littéralement appelé par le phare que je perçois par intermittence au gré des fluctuations du chemin. Je suis très heureux, je courrai presque pour arriver plus vite.

  19 h. Je marche le long de la playa de Llangosteria, sublime bande de sable ourlée d'un trait d'algues un tantinet trop fluo (pollution ?). Les habitants de Fisterra se promènent également en empruntant les beaux aménagements réalisés en fond de plage. On me regarde parfois avec curiosité. Avec ma tenue de pèlerin et mon sac à dos, je n'ai sans doute pas adopté le bon code vestimentaire.

  19 h 30. Entrée dans Fisterra, recherche laborieuse d'un hôtel à prix raisonnable car je veux pouvoir rentrer tard ce soir et être libre ce qui n'est guère possible en auberge. Finalement je m'installe dans un petit hôtel sur la colline avec une vue panoramique depuis ma chambre s'étalant de la baie à gauche jusqu'à l'océan à droite en passant par le cap juste devant. Splendide dans la lumière déclinante. Quelques cumulus s'attardent dans le ciel, ça donnera de la profondeur aux images.

  22 h. Playa de Mar de Fora, cote Atlantique. Sable, jeunes pèlerins avec guitare façon hippies, des solitaires, des couples, un pêcheur planté dans l'océan et son chien, mais pas de soleil couchant possible car à cette époque il disparaît beaucoup plus à droite. Petite déception. Je traîne sur cette plage et sur la dune surplombante, enfin rassasié, enfin apaisé. Le battement de la houle sur les rochers et le bruissement de l'eau courant sur le sable sont en résonance avec la paix intérieure qui m'imprègne. Mon regard s'attarde sur les feux de bois qu'on allume et je me prends à rêver de ma jeunesse passée sans en avoir profité et sur la nécessité dorénavant de mieux utiliser le reste de ma vie.

  23 h passées. Le soleil est parti, la fraîcheur arrive, l’obscurité est là. Je reprends le chemin vers l'hôtel, hésitant parfois, ma frontale est restée au fond du sac. Imprévoyance.

  La météo ne s'était pas trompée.




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jeudi 18 octobre 2012

étape 54 : SANTIAGO - VILASERIO - 36 km

vendredi 15 juin 2012


  Pluie et vent se sont invités pour me tenir compagnie. Ce sont de vieux amis maintenant. Je fais avec tout en pensant que les habitants de ces parages ne doivent pas craindre la sécheresse. Chemin faisant, lors d'un passage en sous-bois particulièrement boueux, je passe sur le bord incliné du sentier transformé en fleuve côtier et devinez quoi ? je glisse et me couche latéralement dans la boue. Mon dernier pantalon propre ! Alors que je peste en me relevant, me demandant ce que je suis venu faire là, la réponse arrive à l'instant en la présence de Jean-Claude, pèlerin de Cagnes-sur-mer, dégoulinant sous son poncho bleu. Arrivée surprenante au moment nécessaire quand on sait la rareté des pèlerins poursuivant au-delà de Santiago. Il réussit à me remonter le moral et nous repartons ensemble.

  La météo pourrie et la médiocre qualité du chemin due à la pluie réduisent l'étape du jour. Il me reste 55 kilomètres à parcourir pour atteindre Fisterra et selon les prévisions météorologiques il fera beau demain seulement avant le retour de la pluie. Or, je veux aller sur la plage assister au coucher de soleil et y faire des photos. Conclusion : demain je ferai les 55 km même si le parcours n'est pas plat !

  En attendant, le repas du soir dans le restaurant jouxtant le gîte privé a lieu dans une ambiance digne des meilleurs moments du chemin. Assis avec Jean-Claude sous une télé retransmettant un match de la coupe d'Europe de football, ça plaisante ferme avec un autre Français, une Américaine et une Allemande de la table voisine. Il faut bien admettre que la bière et le vin tinto facilitent quelque peu les traductions... Peu avant 21 h, la porte de l'auberge s'ouvre sur un couple de pèlerins Français venant d'arriver, trempés bien sûr, la pluie n'ayant pas cessé de l'après-midi. Encore des optimistes récompensés.

  Dans ce restaurant simple, il règne une agréable impression de convivialité et de grande famille, compréhensible entre personnes ayant accompli leur chemin et continuant malgré la météo, jusqu'au bout. Repos réparateur ensuite, demain sera long.


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